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Quelle subjectivité produit le néolibéralisme ? Jean-Pierre Lebrun

jeudi 2 avril 2009
 
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    C’est dans le passage de la perception immédiate par les sens à la capacité réflexive que Freud a situé l’essence même du progrès de la culture et de la civilisation. Et Lacan, en corrélant ce “pas de la culture” à notre aptitude au langage, n’a fait que démontrer comment ce consentement à perdre l’immédiat des sens coïncidait avec l’interdit de l’inceste, cet interdit qu’on retrouve dans toutes les sociétés. L’immédiat est perdu dès que les humains parlent et c’est la mère qui occupe la place de cet immédiat. L’interdit de l’inceste n’a, en fin de compte, d’autre fonction que de rendre présent à chacun qu’il est nécessaire de perdre l’immédiateté pour pouvoir parler. On ne parle pas la bouche pleine !

    Voilà pourquoi il faut que l’enfant quitte la mère, simplement parce que l’humanisation implique que l’être parlant perde l’immédiateté pour trouver la voie de son désir. Voilà pourquoi l’interdit de l’inceste avec la mère, quoique universel, ne fait pas l’objet d’une loi écrite : simplement parce qu’il fonde la Loi.

    Or, la question que pose la mutation culturelle dans laquelle nous sommes emportés est de savoir si nous poursuivons toujours dans cette perspective, ou si, au contraire, la nouveauté n’est pas que notre société néolibérale se présente comme sans limite et ne rend dès lors plus perceptible cette contrainte que l’être parlant suppose, à savoir celle de perdre l’immédiateté. Presque tout, dans notre société néolibérale porte à croire que nous serions débarrassés de la nécessité de ce détour que la psychanalyse a pourtant identifié comme la caractéristique même de l’humain. S’en suit que la subjectivité de notre époque se croit d’emblée libre, autonome, sans rien devoir aux autres ni aux générations antérieures, dégagée de ce trajet d’humanisation. Est-ce à dire que notre actualité est d’emblée délétère, et qu’il faudrait d’urgence en revenir à un en-deçà de la civilisation postmoderne et nous lamenter de notre évolution ?

    Nous ne le croyons pas, car tout va dépendre de comment nous allons riposter à cette invitation à nous croire libérés de la condition humaine.

    Jean-Pierre Lebrun est psychiatre et psychanalyste. Il a été président de l’Association freudienne de Belgique et de l’Association lacanienne internationale.

    A 18h45 à l’hôtel du Département.