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Animaliser l’homme, humaniser l’animal, mécaniser le vivant : la contestation des frontières, Jean-Michel Besnier

jeudi 8 février 2007
 

On assiste aujourd’hui, dans le monde scientifique, à une remise en question des catégories traditionnelles qui nous servaient à penser la réalité. L’une des plus saisissantes concerne le concept d’espèce dont certains biologistes néo-darwiniens n’hésitent pas à proclamer l’obsolescence. D’une façon générale, la science affiche un réductionnisme méthodologique qui justifie le privilège qu’elle accorde à la continuité entre les différents degrés de réalité et le refus qu’elle oppose aux définitions essentialistes. De ce point de vue, l’opposition entre l’homme et les autres espèces vivantes paraît de plus en plus contestable.

L’éthologie décrit désormais des comportements qui signalent une culture animale tandis que les sciences cognitives entreprennent d’étudier les mécanismes de l’intelligence au niveau du vivant le plus élémentaire. Les questions entourant le statut de la conscience, dont nous faisions traditionnellement le critère de distinction de l’humain, restent ouvertes et maintiennent l’incertitude concernant les limites censées préserver la place de l’homme par rapport à l’animal ou à la machine. Si l’on ajoute à cela la fascination exercée par les développements des technosciences en matière de vie artificielle, si l’on prend au sérieux les utopies posthumaines qui misent sur l’hybridation du vivant et des machines cybernétiques, on achèvera de se persuader du caractère périmé de l’opposition de l’homme, de l’animal et de la machine, et on devra envisager la révision du système de valeurs qui en procédait.

La difficulté à désigner une altérité (dans l’animal ou dans la machine) nous met au défi de sauvegarder l’identité que nous nous prêtions jusqu’à présent. En ce sens, il convient d’interroger les possibilités que nous offrent encore les sciences de demeurer humanistes.

Jean-Michel Besnier enseigne la philosophie à l’Université Paris-IV Sorbonne où il occupe la chaire de Philosophie des technologies de l’information et de la communication. Il appartient par ailleurs au Centre de recherche en épistémologie appliquée (CREA), laboratoire du CNRS et de l’Ecole polytechnique, axé sur les sciences cognitives.

Jean-Michel Besnier conduit des recherches sur les impacts philosophiques et sociologiques des sciences et technologies cognitives, en cherchant à articuler les enjeux scientifiques et métaphysiques qui font de l’intelligence artificielle une discipline en prise sur notre temps. Ses réflexions portent également sur les enjeux philosophiques des biotechnologies végétales et médicales.