Jacques Sémelin défend l’idée que le massacre procède avant tout d’une opération de l’esprit, une manière de voir et stigmatiser "l’Autre" avant de le tuer vraiment.
La revendication identitaire est au coeur de cette rationalité délirante. Car, si, pour vivre, les hommes ont besoin de donner sens à leur existence, pour tuer il en est de même.
Dans ces nouveaux univers de sens que fabriquent les appareils de propagande, il est publiquement proféré que la violence est possible et l’interdit du meurtre est levé. Les supports de ces appareils et des émotions publiques qu’ils suscitent sont souvent les mêmes : identité, pureté, sécurité…
Après la Seconde Guerre mondiale, on avait dit : "plus jamais ça !". Il fallait "tirer les leçons de la catastrophe". Que reste-t-il de ces voeux pieux ? Un paysage de désastre aux quatre coins du monde, du Cambodge à la Tchétchénie, en passant par l’Indonésie, le Biafra, le Guatemala, l’Irak, le Rwanda ou le Soudan, sans oublier l’ancienne Yougoslavie. En ce début du XXIème siècle, plutôt que de se payer de mots, mieux vaut donc regarder de très près les réalités mêmes qui nous paraissent scandaleuses, et chercher à comprendre les raisons de cette reproduction du tragique, à travers la répétition du massacre de masse. Jacques Sémelin nous contraint à constater que le bourreau appartient bien à notre commune humanité, même s’il conserve en elle quelque espoir : s’il existe en effet des "tueurs ordinaires", il existe aussi des "sauveteurs ordinaires".
Jacques Sémelin est directeur de recherche au Centre d’études et de recherches internationales (CERI/CNRS). Il enseigne à l’Institut d’études politiques de Paris et à l’Institut catholique de Paris. Il est par ailleurs consultant du Centre d’analyse et de prévision du Ministère français des Affaires étrangères ainsi que du Secrétariat général à la Défense nationale, et a été expert auprès de plusieurs musées dont le Mémorial pour la Paix de Caen et le Centre d’histoire de la Résistance et de la Déportation à Lyon.
Ses domaines de recherche portent sur l’extrême violence et les stratégies de résolution des conflits. Son travail, établi dans une perspective comparative, offre un outil puissant de compréhension des génocides et des massacres de masse comme processus politiques et fait autorité, y compris hors de France.
Jacques Sémelin anime le projet international d’une encyclopédie électronique des massacres et des génocides (http://www.encyclo-genocides.org).
A 18h45 à l’Hôtel du Département
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