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logo RUBRIQUE 243 Vérité, fiction, connaissance 2010-2011


Nous vivons dans un monde inondé de messages, d’illusions et d’injonctions. Injonction surtout à croire ce qu’on nous dit, et aussi à croire ce que dit ce que l’on nous montre. C’est cela, très précisément, que nous avions nommé Emprises de la violence, dans notre saison 2008- 2009.

C’est donc comme suite à ces réflexions récentes que nous tentons, cette saison-ci, de déployer certaines des technologies psychiques et matérielles à la disposition de ceux qui mobilisent cette violence. Comment reconnaître et discerner, dans la société comme en nous-même, le vrai du faux, le réel de la propagande - communément appelée publicité, la vérité de la fiction, toutes choses nécessaires pour forger notre jugement sur nous-mêmes et sur le monde.

En ce sens, le triptyque Vérité, fiction, connaissance décrit des technologies d’ordre politique, qu’elles soient progressistes ou réactionnaires.

En elle-même, toute technologie est innocente. C’est pourquoi sont évoqués ici des objets aussi divers, voire ambigus, que ceux des sciences dites exactes, ceux des sciences de l’homme et de la société, comme ceux du mensonge.

Au laboratoire ou au prétoire, pourquoi, et comment, des disciplines aussi précises et rigoureuses que la physique fondamentale, ou encore le droit, ont-elles besoin de fabriquer, voire de bricoler des fictions pour élaborer leurs objets d’étude ? Fictions juridiques, comme nous les décrivait en 2004 dans ce même contexte, le regretté Yan Thomas à propos de la notion d’héritage dans la Rome ancienne ou de l’invention de la personne morale au Moyen Age ; expériences de pensée, comme en usent les physiciens, de Galilée à Einstein et à nos jours.

Le philosophe et historien des sciences Karl Popper a défini le critère essentiel de la scientificité d’une théorie quelconque par le fait qu’elle puisse être “falsifiable”. Ainsi, de façon paradoxale, la robustesse, la police d’assurance d’une théorie scientifique réside en ce qu’elle est susceptible d’être erronée. Mais qu’en est-il pour d’autres domaines que les disciplines scientifiques ?

Qu’en est-il du vrai en droit, et d’ailleurs qu’est-ce qu’une vérité judiciaire ? Qu’en est-il du rapport frelaté à la réalité - et même à la fiction - qu’induit subrepticement la télévision pour nous et nos enfants ?

Au regard de ses immenses propagandes, que deviennent, que risquent de devenir, l’individu contemporain et son corps même ? Seraient-ils devenus les plus intimes des fictions ?

Face à ces liturgies contemporaines, qu’en est-il des rituels antiques qui, comme en Inde par exemple, établissent par l’exactitude de leur cérémonial la réalité du monde ? Quelle est la vérité du sacrifice ?

Dans les domaines devenus très variés qui usent de cartes, domaines beaucoup plus divers que le seul portrait de paysage, de quelles vérités la cartographie peut-elle être la fiction ?

En quel sens, entre vérité et fiction, considérer les savoirs économiques ? Malgré leur immense développement, peuvent-ils encore, et à quelle condition, être dits scientifiques ?

Qu’en est-il, dans toutes ces matières, de la fraude et du mensonge ? Comment les distinguer de l’erreur ? Et quel est d’ailleurs le statut de l’erreur ?

S’agissant de statut enfin, quel peut être celui des mathématiques, outil des outils ou fiction des fictions ?

Qu’est-ce donc que connaître ? Comment faire en sorte, au plus près de la vie et de ses tourments réels, personnels et collectifs, pour que, entre vérité et fiction, ce ne soit pas qu’une métaphore.